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Photo du rédacteurPeter Antes

Lecture des deux Bakhîro d'Edgard Weber - recension.



Je saisis cette occasion pour attirer votre attention sur deux nouvelles publications qui sont fort importantes pour l’histoire des religions :

1. Edgard Weber : Bakhîro. Tome I : Les Monophysites de Constantinople, Plonévez-Porzay : Vibration Éditions, juin 2023, 219 p. et Tome II : Les Nazaréens de Makka, Plonevez-Porzay : Vibration Éditions, octobre 2023, 204 p.

Au centre de ce roman est Bakhîro, ce moine chrétien qui selon la tradition musulmane a rencontré le jeune Muhammad et lui avait prédit un rôle religieux important. Le manque d’informations concrètes dans les textes islamiques a inspiré certains auteurs à en faire des récits fabuleux. Edgard Weber, ancien professeur de civilisation, littérature et langue arabes à l’Université de Toulouse puis à l’Université de Strasbourg a décrit sa version de la vie de Bakhîro en le situant sur la base de détails historiques fort précieux et vérifiés dans son milieu d’origine à Constantinople et puis dans le cadre d’un monastère oriental à des recherches sur les tribus arabes de la fin du VIe siècle de notre ère, en particulier chez les Quraysh de Makka où il s’est mis à l’écoute de Waraqa, un nazaréen qui avait à Makka Quthum, le jeune Muhammad, comme son disciple.

Le premier tome décrit d’abord la naissance de Bakhîro dans une famille modeste en 532 de notre ère, et qui par des heureuses circonstances pourra vivre proche de la famille impériale et en profite énormément. Ceci vaut surtout pour l’éducation du jeune Bakhîro à Constantinople où il visite les écoles primaire et secondaire aussi bien que l’université pour faire des études de théologie afin de devenir moine. Toute sa socialisation religieuse se déroule dans un climat de querelles théologiques permanentes entre orthodoxes et monophysites dont les descriptions dans le roman sont une excellente et fort compétente introduction à l’histoire du christianisme de l’époque.

Bakhîro se décide à aller en Orient pour entrer dans un monastère à Gupno en Syrie où il fait ses vœux et prend le nom de Sergios, ce qui est décrit dans le deuxième tome du roman. Intéressé à l’histoire religieuse des tribus arabes il obtient de l’abba la permission de se rendre chez les Arabes de Makka pour étudier leur histoire. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Waraqa qui l’instruit sur les Nazaréens qui croient en Al-Rahmân comme Dieu unique qui avait fait descendre les paroles de la Torah d’abord sur Abraham et Moïse et d’autres prophètes, inclus ʿIsâ (Jésus), le messie (cf. p. 161s). Ce dernier avait comme mission d’enseigner aux hommes la Torah et l’Évangile. Les Nazaréens s’opposent strictement aux chrétiens d’Antioche avec leurs dogmes christologiques et insistent sur Al-Rahmân comme Dieu Unique tout en respectant les règles de conduites religieuses décrites dans la Torah, la circoncision et l’Évangile selon Matthieu comme texte authentique du message biblique. Sergios renonce donc à son idée de vouloir les convertir au monophysitisme et se rend après un certain temps à Gupno où il finit ses jours en paix.

Il est nécessaire de dire que tous les détails historiques – à commencer par les tremblements de terre à Constantinople, en passant aux querelles théologiques jusqu’à des noms propres comme Waraqa et Quthum – sont exacts et bien fondés dans les sources romaines ou islamiques. C’est pourquoi ce roman s’intègre parfaitement dans le contexte des recherches du projet d’Angelika Neuwirth qui ne lit pas le Coran dans la rétrospective comme texte fondamental de la religion de l’Islam mais comme une voix importante dans les débats religieux, voire christologiques de l’antiquité tardive.

En plus, je me permets d’ajouter que je trouve le style du roman fort impressionnant et fascinant. Son emploi du passé simple me rappelle l’Étranger de Camus et range selon moi le texte parmi les plus beaux de la littérature française actuelle.


Monsieur Peter Antes

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