Quiconque s'est plu un jour à saisir d'une main une poignée de sable, sait que, en dépit de l'envie saisissante de s’emparer du plus infime grain, rien n'y fait.
Grain après grain, le sable nous file entre les doigts, éternel nomade voué à demeurer nomade, à s'en aller fouler encore et encore les dunes désertiques, à chaque fois, d'un pas vierge.
Les nomades le savent. Le sable du désert se plaît à effacer toute trace de leurs pas.
Éphémères traces. Éphémères et éternelles à la fois. Car seul un nomade le sait. Effacées sont les traces à la surface.
Pourtant, au cœur des sables, subsiste la mémoire de celle ou de celui qui y a posé, un bref instant, son empreinte.
L'écriture est à l'image des dunes désertiques qui renferment en leurs entrailles l’essence même de l’écrit.
Mille paillettes y dorment pour scintiller au moment de la genèse d’un écrit qui se fait errant.
Errant, tout écrit l’est par définition.
Quiconque s’est frotté un jour au désert qu’est l'acte d’écrire connait ce mirage qu’est la page blanche. Un mirage d’illusions que l'on tente sans arrêt et avec ses tripes d’ancrer dans les oasis en gestation.
Et, lorsque la plume parvient à s’abreuver des ineffables oasis, elle glisse furtivement, se fige, glisse de nouveau. S’emballe.
Car la plume sait ce que seul le désert sait. Le nomadisme est à l'écrit ce qu’est le désert au nomade : un mirage de mots. Une errance dunaire. Un crissement. Une mouvance d’en-vie.
Mona Azzam,
Nomades, chez Vibration éditions
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