Haïku 2.0

Jérôme Hohl
23 janv. 2023
3 min de lecture

Vous n’avez pas pu passer à côté. Tous les médias parlent de ChatGPT, une toute nouvelle intelligence artificielle conversationnelle. Laissons-la se définir elle-même :

Moi : Peux-tu te présenter ?

ChatGPT : Je suis ChatGPT, un modèle de langage développé par OpenAI. Je suis capable de comprendre et de répondre à des questions sur un large éventail de sujets en utilisant la compréhension du langage naturel. Je suis également capable de générer du texte en utilisant des contextes donnés. Je suis ici pour vous aider à trouver des réponses à vos questions.

D’après certains journalistes, de nombreux étudiants ont déjà utilisé ChatGPT pour générer des dissertations, répondre à un questionnaire, ou même composer des poèmes. Certains professeurs se seraient laissés berner.

D’où l’idée du petit jeu suivant : je vais vous proposer deux haïkus sur l’hiver (poèmes japonais de trois vers composés respectivement de cinq, sept et cinq syllabes), à vous de départager celui généré par ChatGPT et celui de mon cru.

Haïku n° 1 :

Dans la neige blanche,

Les branches nues se balancent,

Silence de l’hiver.

Haïku n° 2 :

Les flocons tombent,

Les rues sont recouvertes,

L’hiver est arrivé.

Voici quelques pistes, pour vous aider. D’abord, rappelons-nous nos années passées au collège et commençons par une analyse métrique :

Haïku n° 1 :

Dans /la /nei/ge /blanche — 5 syllabes — rime féminine

Les /bran/ches /nues /se /ba/lancent — 7 syllabes – rime féminine

Si/len/ce /de /l’hi/ver — 6 syllabes – rime masculine

Haïku n° 2 :

Les /flo/cons /tombent — 4 syllabes – rime féminine

Les /rues /sont /re/cou/vertes — 6 syllabes – rime féminine

L’hi/ver /est /ar/ri/vé — 6 syllabes – rime masculine

Ainsi, aucun des deux haïkus ne respecte parfaitement la métrique. Ajoutons quelques indices d’analyse sémantique pour vous aider davantage. Pour brouiller les pistes, inversons l’ordre :

Le haïku n° 2 :

- utilise à deux reprises l’auxiliaire être, soit un style terne au niveau des verbes ;

- comprend trois vers commencent par un article défini (les/les/l’), style ou maladresse ? ;

- présente une construction logique simpliste (vers a + vers b = vers c).

Le haïku n° 1 :

- ne comprend pas d’auxiliaire ou de verbe terne ;

- joue sur la polysémie du verbe balancer (les branches bougent-elles ? ou bien se moquent-elles de l’hiver ?) ;

- si l’on retient l’hypothèse du mouvement, on obtient une idée originale. Là où de nombreux auteurs souligneraient le bruissement des branches, au contraire le poète insiste sur le silence de l’hiver.

Enfin, on regrettera que les deux haïkus commettent l’erreur de citer directement leur thème en toutes lettres (l’hiver).

Alors, selon vous, quel est le poème artificiel ?

Pour finir sur une note légère et rassurante ; ChatGPT reste bête, comme l’illustre la conversation suivante :

Moi : La maman de Thomas a trois enfants : Riri, Fifi, et ?

ChatGPT : Loulou.

Moi : Raté :-)

ChatGPT : Je suis désolé, je ne sais pas quel est le nom de l’autre enfant. Puis-je vous aider avec autre chose ?

PS : Au fait, j’ai menti.

Les deux haïkus ont été générés par ChatGPT. Je n’en ai écrit aucun.

Ainsi, et malgré tout le battage médiatique sur les dangers de l’intelligence artificielle, n’oublions pas l’essentiel : ce ne sont pas les machines qui tentent de nous tromper, mais nos congénères.

Pour savourer de la poésie sans artifices, ne vous fiez pas à mes billets, mais tournez-vous vers le catalogue de Vibration éditions.